A way of travel

LANDES | PAYS BASQUE​

Marché, arracheur de dents et Marabout… I’m back !

Et oui, le temps passe et je ne vous ai toujours pas raconté les derniers jours passés dans les magnifiques montagnes de l’Atlas… Même si je m’en suis remise, j’ai arrêté de badigeonner mes oranges de cannelle et de boire du thé à la menthe Carrefour pour compenser mon manque, me replonger dans ces photos me rend encore toute nostalgique de cet apaisement que j’ai pu ressentir pendant 7 jours. Mes yeux continuent de briller en me rappelant ces beaux moments passés et toutes ces belles personnes rencontrées au cours de notre séjour. 
Ce matin-là, nous avons repris le pick-up pour aller au marché d’Ait Bouwli. Bizarrement, je m’attendais à un marché comme on peut les connaître dans les villes du Maroc, je voyais de l’agitation, tout un tas d’objet et de la tentation pour mon porte-monnaie à chaque croisement. Bizarrement ou plutôt bêtement : on allait dans une vallée voisine, perdue au milieu des montagnes, bien évidemment que ce n’était pas du tout ça… Et ce fut encore plus beau de découvrir ce petit bout de la vie berbère en plus.
Notre arrivée fût légèrement perturbante du fait que nous étions les seules femmes à des kilomètres à la ronde. Pas une vendeuse, pas une cliente. Que des hommes… Aucune interdiction, juste une tradition, c’est eux qui vont au marché. A dos de mules, d’ailleurs c’est assez marrant de les voir garées ici et là… Bref, si les regards posés sur nous étaient plus de la curiosité qu’autre chose, pas une seconde ils ne m’ont fait sentir pas à ma place, j’avais quand même l’impression de faire le strip-tease du siècle en enlevant mon coupe-vent (cela étant dit, ce n’était vraiment que dans la tête, parce qu’honnêtement, je pense que tout le monde s’en foutait royalement qu’on soit là !). 

Et comme le pick-up, c’est fatiguant, et qu’on ne boit jamais trop de thé à la menthe, nous avons directement commencé par une petite pause, sous une tente, à manger une sorte de beignet à 1000 calories le gramme. Il n’en restait pas moins délicieux (de toute façon, c’est bien connu que le nombre de calories est, malheureusement, directement lié au pourcentage de graisse que l’aliment va introduire dans nos hanches…). 
Il faisait une chaleur à mourir, tout paraissait contaminé par un million de bactéries, et la manière très sommaire de faire la vaisselle à coup de je te trempe dans un saut plus sale que le verre censé être lavé aurait pu faire de ce moment quelque chose de très étrange et pourtant ça reste un de mes meilleurs souvenirs de ce voyage. 
Tout paraît sans importance à côté du bonheur d’être là, de l’instant présent, du fait de partager toutes ces calories avec des gens super… On apprend à oublier le superficiel et à n’apprécier que l’essentiel. C’est comme si j’avais réussi à attraper un petit bout de raison sous cette tente, et que j’essayais désespérément de ne plus le lâcher depuis… Parfois il m’échappe, mais je le conserve encore bel et bien en moi, puis le jour où j’en aurais trop perdu, je retournerai manger des beignets sous une tente par 40°C sans aucune hygiène et je me rappèlerai d’apprécier l’essentiel.  

N’étant pas dans un village touristique, à chaque arrêt, on était accueillis avec le sourire, les gens étaient là pour faire leur courses, ramener des provisions, réparer des plats, ferrer leurs mules. Ils vivaient leur vie et nous la nôtre et les plus sociables nous offraient de magnifiques sourires (d’autres compensaient avec des regards noirs, je vous rassure…). D’une vallée à l’autre, on découvre la beauté berbère, à Ait Bouwli, c’est les yeux couleur hématite qui m’ont le plus marquée. J’étais d’autant plus frustrée d’avoir croisé si peu de femmes. 

Nous sommes ensuite allés rendre visite à Ali, chef du village d’Ait Bougmez et arracheur de dents de la vallée. Il était en pleine session dans son petit cabinet « Téléboutique » de fortune et je dois dire que c’était assez impressionant de prime abord ! Ses « patients » étaient tellement sereins et d’une bonne humeur déconcertante que de dent en dent arrachée, j’ai pu petit à petit me rapprocher pour observer la technique…
Autant vous dire que je ne faisais pas ma fière, m’attendant à un carnage plein de sang… Je m’étais d’ores et déjà préparer à avoir encore moins envie d’aller au dentiste que d’habitude après avoir vu ça mais au final…
…Au final, l’air soulagé du monsieur et son sourire après l’intervention d’Ali m’ont rassuré. J’y suis donc allée. Et c’était juste impressionnant de voir à quel point, à l’aide d’un instrument si rudimentaire qu’une vieille paire de pinces, Ali parvient à retirer une dent douloureuse en un claquement de doigts. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’était sans douleur, le vieux monsieur m’a quand même fait comprendre qu’il s’en serait passé, mais ça n’avait l’air de rien à côté de mon dernier détartrage… Et NON, je ne suis pas une chochotte. 

Je n’ai même pas commencé par le début ! Il n’y a pas de dentiste dans les vallées, du coup, si quelqu’un souffre de douleurs au dents, le seul moyen de le soulager, c’est arracher avant que l’infection devienne plus importante. Les gens viennent voir Ali de partout, que ce soit chez lui à Ait Bougmez, ou lors de ses tournées dans les marchés voisins. Il adapte le prix de l’intervention au moyen des personnes qui viennent le voir. Et désormais, il exerce son métier avec l’aide précieuse d’anesthésiants qu’il arrive à se procurer. Il nous a raconté qu’une fois, un touriste de passage avait eu une si grosse rage de dents, qu’il était allé le voir. Ali l’a soulagé et en remerciement lorsqu’il est rentré chez lui, il lui a envoyé une boite remplie d’anesthésiants, surement difficiles à trouver là-bas.

Pour le midi, nous avons suivi la coutume d’acheter des ingrédients sur place pour ensuite aller sous une petite tente les donner à faire griller. Là aussi, ça reste une expérience super. C’est typiquement le genre de truc que je n’aurais jamais pu faire seule. 

Autant vous dire que vu le conditionnement de la viande sur les étalages, je me serais déjà vu passer le reste du séjour malade comme un chien. Avoir Saïd avec nous, en plus de nous permettre de rencontrer des personnes aussi exceptionnelles qu’Ali, nous aura aussi permis de vivre des moments comme celui-ci. Je lui faisais confiance les yeux fermés et ce repas fut un des meilleurs moments de la journée (oui, je réalise que beaucoup de mes meilleurs moments sont liés à la nourriture, ni voyez aucun rapport, et qu’au final, toute la journée fut un meilleur moment à elle toute seule). 

Nous avons quitté le marché pour rejoindre le petit village d’à côté et découvrir le travail du potier (et boire du thé !). Sur la route, on a croisé des singes magots en liberté, c’était juste fou. C’est également là qu’on se rend encore plus compte de la diversité des paysages. On est passé du jardin d’Eden de la veille, tout fleuri, perdu au milieu des noyers et des iris à un village rouge et aride. On pense aux nomades qui ont un jour décidé de s’arrêter ici ou là et d’y faire leur vie, et on se pose tout un tas de questions… 

Et pour terminer cette belle journée, nous sommes montés à l’ancien grenier de Sidi Moussa. A l’époque, il servait aux villageois à entreposer leurs récoltes. Chacun disposait d’un compartiment privatif. Vivait là un marabout qui exauçait les voeux des femmes (ils pouvaient aussi pour les hommes, mais visiblement ces derniers ont toujours considéré qu’ils navaient pas suffisamment de problème pour en avoir l’utilité). Quand il est mort, il fut enterré au grenier et les villageois continuent de monter lui demander quelques petites faveur en échange d’offrandes. Christelle a tenté une commande de mari, moi j’ai préféré gardé un peu de surprise pour la suite, j’ai donc laissé Monsieur Marabout tranquille, on verra bien ce que la vie me réserve… 

Mais si on monte si haut, ce n’est sûrement pas que pour rendre visite au Marabout. Du grenier, la vue est juste à couper le souffle, je pense que c’est un des plus époustouflants paysages qu’il m’ait été donné de voir… Je n’arrivais pas à décoller mon regard. J’aurais pu rester assise là des heures à juste admirer ces magnifiques vallées. 

C’était notre dernière vadrouille dans les montagnes et le retour en pick-up me donnait déjà le cafard. Le lendemain, nous sommes restés à Touda, ralentir le rythme et profiter de ce petit village qui nous manque tant depuis notre retour en France. L’occasion de partager un moment avec Fatima pour apprendre à faire ses fameuses crêpes marocaines pour lesquelles j’aurais vendu toute ma famille chaque matin. Mais ne soyons pas pressés, je vous raconte tout ça bientôt !